Comment les petites îles peuvent-elles réinventer le tourisme pour une relance verte ?

26 octobre 2020

 

Les petits États insulaires en développement (PEID) ont connu une expansion spectaculaire de leur secteur touristique, en particulier ces dix dernières années. En 2019, la riche biodiversité et les écosystèmes magnifiques de ces pays ont attiré environ 44 millions de visiteurs. À Sainte-Lucie ou aux Palaos, les revenus du tourisme représentent respectivement 98 % et 88 % des recettes d’exportation. Dans les États insulaires des Caraïbes, le tourisme représente 27 % des emplois, tandis que la proportion atteint 24 % dans la région Atlantique-océan Indien-mer de Chine méridionale et 20 % dans la région Pacifique.

L’activité touristique est une source de revenus vitale pour assurer les moyens d’existence des populations, se relever des catastrophes et préserver la biodiversité ainsi que le patrimoine culturel de ces pays. Or, la forte baisse du tourisme international due à la pandémie de COVID-19 a d’importantes répercussions sur les États insulaires : ces pays enregistrent en effet un recul de 3,6 % de leur PIB en 2020 − une valeur très supérieure à la moyenne mondiale. De nombreux PEID, en particulier dans les Caraïbes, sont fortement tributaires des revenus du tourisme pour servir les intérêts d’une dette importante, dette qui résulte principalement d’une vulnérabilité sans commune mesure face au changement climatique.

Or, s’il est un moteur du développement économique, le secteur du tourisme produit également plus de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et peut entraîner une dégradation des écosystèmes et une perte de biodiversité.

La crise nous oblige à repenser certaines pratiques et certains systèmes actuels. La question qui se pose est donc la suivante : comment créer une économie touristique qui s’épanouit en harmonie avec la nature − un modèle qui s’intègre dans les économies nationales, favorise la participation de toutes et tous, et préserve l’intégrité culturelle et écologique des îles ? Nous proposons trois voies pour encourager une relance verte et accélérer un changement transformatif.

1.    Le concept d’économie bleue nous permet d’envisager le tourisme comme un moteur du rétablissement et de la relance − capable de renforcer la résilience face aux chocs économiques, d’ancrer les économies locales dans des activités pérennes et de générer des moyens de subsistance plus écologiques. Il est donc essentiel de stimuler l’investissement privé à grande échelle dans des activités qui favorisent la préservation de la biodiversité et luttent contre la dégradation des écosystèmes tout en générant de la croissance. Diversifier les produits touristiques avec des activités marines non traditionnelles (comme la plongée sous-marine, le surf et l’observation de la faune sauvage) est une possibilité pour élargir les sources de revenus des communautés locales. La mise en œuvre de mécanismes de « financement bleu » novateurs − systèmes d’assurance pour protéger les récifs coralliens, conversion de dettes en investissement écologique, obligations bleues, taxes touristiques − peut aider à financer des innovations tout en responsabilisant les communautés et les entreprises et en allégeant les contraintes budgétaires des PEID.

2.    La transformation numérique est un puissant accélérateur de l’inclusion, de la compétitivité et de la durabilité. Il est essentiel de perfectionner et de reconvertir les travailleurs dans les domaines du numérique. Un meilleur accès des micro, petites et moyennes entreprises à la technologie permet en effet une intégration complète de ces entreprises dans la chaîne de valeur locale et leur permet de devenir des championnes de l’innovation. Des technologies comme les mégadonnées, l’intelligence artificielle et l’internet des objets peuvent améliorer la connaissance du marché et fournir des statistiques pour aider à réduire l’empreinte environnementale de l’industrie. Enfin, le secteur de la création numérique peut lancer de nouveaux produits touristiques respectueux de l’environnement et les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour changer le comportement des consommateurs.

3.    Les communautés d’abord et un tourisme responsable
Des activités touristiques prises en main par les communautés locales sont essentielles pour assurer la pérennité du secteur. Le secteur du tourisme s’appuie essentiellement sur des personnes dont beaucoup sont fortement dépendantes de cette activité et qui se retrouvent dans une situation extrêmement précaire. Nous avons besoin d’un secteur touristique agissant comme le moteur d’un développement équitable et inclusif. Les stratégies nationales en matière de tourisme doivent impérativement être centrées sur les communautés locales et faire en sorte que celles-ci puissent avoir un rôle de premier plan leur permettant de façonner l’avenir du secteur. Par rapport au traditionnel triptyque « mer, plage, soleil », le tourisme communautaire favorise également un comportement responsable des consommateurs en encourageant des échanges plus profonds et une meilleure compréhension de la culture locale. Nous ne devons pas oublier à quel point il est important de sensibiliser les visiteurs. Les consommateurs sont un puissant vecteur de changement. Leurs voix et leurs revendications ont le pouvoir d’améliorer les économies et le bien‑être des populations. Nous devons prendre conscience de l’importance d’organiser des campagnes visant à encourager un tourisme responsable et durable.

Si les possibilités sont vastes, l’ampleur de la tâche l’est tout autant. Seuls des partenariats efficaces associant gouvernements, organisations internationales, secteur privé, réseaux régionaux, société civile et communautés locales seront en mesure d’amener un changement aussi radical. Le développement exige une approche intégrée impliquant l’ensemble de la société et une mutation du secteur touristique est vitale pour l’avenir des PEID. Comme l’ont rappelé avec insistance les dirigeants de ces pays lors de la 75e Assemblée générale des Nations Unies, l’heure doit être à l’action.