Comment les villes peuvent lutter contre la perte et le gaspillage de nourriture

4 novembre 2020

 

Alors que nous entrons dans la deuxième vague de la pandémie de coronavirus COVID-19, la force de nos chaînes d'approvisionnement alimentaire est mise à l'épreuve. Une fois de plus. Combien d'entre nous ont dû, peut-être pour la première fois, établir un budget alimentaire prudent pour une période de plusieurs mois ? La pandémie a mis en évidence la vulnérabilité de tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, des agriculteurs aux transformateurs en passant par les ménages.

Il y a donc là une fenêtre d'opportunité qui s'ouvre pour réorienter notre système alimentaire vers un modèle plus résilient, plus durable et circulaire. Un modèle dans lequel la perte et le gaspillage de nourriture sont éliminés, les sous-produits alimentaires sont transformés et utilisés au maximum de leur valeur, et la production alimentaire améliore l'environnement au lieu de le détériorer.

Cette réorientation s’impose urgemment. Les villes accueilleront 66 % de la population mondiale et consommeront plus de 80 % de la nourriture mondiale d'ici 2050. Dans le même temps, un tiers des aliments produits pour la consommation humaine, soit environ 1,3 milliard de tonnes, sont perdus ou gaspillés chaque année. Ce chiffre ne tient pas compte de la terre, de l'eau et de l'énergie qui ont servi à leur production. Et pourtant, les villes détiennent la clé pour libérer le potentiel permettant non seulement de satisfaire cette demande croissante, mais aussi d'améliorer les moyens de subsistance, la santé des citoyens et l'environnement naturel.  

Il existe un certain nombre d'actions à forte intensité de dividende que les pays peuvent entreprendre dans le cadre de l'Accord de Paris pour lutter contre les pertes et gaspillages alimentaires par des actions circulaires. Nous aimerions ici partager quelques idées.

Promouvoir la production alimentaire urbaine et périurbaine

Les villes peuvent accroître leur résilience aux chocs externes et contribuer au renforcement de la sécurité alimentaire en s'appuyant sur un éventail de producteurs locaux, régionaux et mondiaux. Des chaînes d'approvisionnement alimentaire plus courtes contribuent à réduire les pertes inutiles de nourriture dues aux pratiques de transport et de stockage inefficaces, sans parler des coûts de distribution et des émissions qui y sont associés, ainsi que des excès d'emballages en plastique. Il en va également du bien des populations, des aliments frais et nutritifs d'origine locale contribuant à une alimentation saine et au bien-être. De nombreuses grandes villes du monde tentent déjà d'améliorer leur système alimentaire urbain dans le cadre du Pacte de la politique alimentaire urbaine de Milan, un pacte international rassemblant 210 villes et couvrant plus de 450 millions de personnes

Repenser les politiques d'aménagement du territoire et d'urbanisme

Les villes peuvent en être des défenseurs et des facilitateurs, en mettant à disposition des terrains vacants appartenant aux municipalités pour leur conversion en baux agricoles, en adoptant des règlements d’urbanisme et en initiant des programmes en faveur de l'agriculture urbaine. Paris et Singapour ont lancé des initiatives visant à tirer profit des toits pour la production alimentaire et à inclure les fermes urbaines dans les nouveaux projets d’aménagement. Dans les pays les plus pauvres, l'héritage agricole de nombreux migrants venus des campagnes aide les villes à améliorer leur sécurité alimentaire.  À Lusaka, plus de la moitié des citadins produisent leur propre nourriture, tandis qu'à Kampala et Yaoundé, bon nombre de ménages urbains font de l’élevage, notamment de volailles, de vaches laitières et de porcs. Toutefois, dans plusieurs pays d'Afrique, l'agriculture urbaine ne fait pas partie des politiques officielles d'urbanisme et le régime foncier reste un défi majeur

Créer de la valeur à partir des déchets

Les pertes et gaspillages alimentaires, qui, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), s’élèvent chaque année à mille milliards de dollars, pourraient créer de nouvelles sources de revenus pour les gouvernements et les entreprises locales. Une partie de cette perte économique pourrait être récupérée en convertissant les déchets en produits agricoles durables, en engrais naturels ou en d'autres produits de grande valeur. Plusieurs villes des États-Unis pulvérisent les restes de nourriture à l’aide de broyeurs d’éviers, puis transforment le lisier en engrais et en biogaz pour alimenter les bus et les installations de traitement des eaux. Sweet Benin, un exemple novateur au Bénin, travaille avec Techno Serve pour transformer les déchets des récoltes de noix de cajou en une nouvelle industrie de boissons et aider les producteurs de noix de cajou à se procurer des revenus complémentaires hors des périodes de production. Cet important flux de déchets peut être recyclé en produits et ingrédients sûrs, savoureux et sains qui peuvent être distribués à grande échelle.

Déployer la numérisation et une agriculture urbaine axée sur les données

Des données de meilleure qualité peuvent nous aider à comprendre le cheminement de nos aliments ou nos flux de « déchets » afin de déterminer comment ils peuvent être récupérés et « surcyclés » dans d'autres processus générateurs de valeur. Pendant la pandémie, de nombreuses villes, y compris en Chine, se sont tournées vers les marchés en ligne pour relier les petits exploitants aux consommateurs, et pour distribuer des produits alimentaires alors que se fermaient les circuits de distribution traditionnels. Des outils tels que le Calculateur de la valeur des pertes et gaspillages alimentaires  peuvent également aider les villes à suivre la manière dont leurs efforts de prévention des pertes et gaspillages de nourriture apportent de la valeur nutritionnelle et environnementale.

L'intersection actuelle des crises en cours - santé publique, climatique et économique - nous incite à rechercher un changement transformationnel. C'est une occasion à ne pas manquer. Notre système alimentaire actuel n'est plus adapté aux besoins de la société et de la planète du XXIe siècle. Le moment est propice à la disruption, et les villes peuvent montrer la voie.