Re-penser la gouvernance à l’Anthropocène

24 décembre 2020

Le Rapport sur le développement humain 2020 offre un aperçu visionnaire du développement et de l'interdépendance de l'homme et de la nature. Il plaide vivement en faveur d'une transition mondiale des modes actuels de production et de consommation non durables vers un système plus durable. Moins que d’un processus technique visant à passer d'un système basé sur les combustibles fossiles à un système à faible teneur en carbone, il s’agit plutôt d'un processus profondément politique qui doit bouleverser les intérêts acquis cherchant à préserver le statu quo. Chaque transition a forcément des gagnants et des perdants.

Notre époque connaît une accumulation inédite de crises mondiales : la pandémie sanitaire, la crise économique mondiale et la crise du climat et de la nature, entre autres. Tous les pays et tous les systèmes de gouvernance luttent pour s'adapter. Comment pouvons-nous les surmonter et en sortir pour mieux construire l'avenir ? L’occasion est unique de changer notre point de vue dans la manière de faire face aux risques mondiaux, de repenser les économies et les systèmes de gouvernance dans un délai et à une échelle sans précédent. Comme l'indique le Rapport sur le développement humain, les sociétés d'aujourd'hui ont la capacité d'agir sur la base de ces données comme jamais auparavant et de faire des choix qui nous évitent de courir à de possibles catastrophes. Mais de quel type de dispositifs de gouvernance avons-nous besoin pour promouvoir un développement humain inclusif, protéger la planète et ouvrir la voie à de nouveaux contrats sociaux ? Ces dernières semaines et dans le cadre de la série de consultations du PNUD sur l'avenir de la gouvernance, nous avons réfléchi précisément à ces questions.

Nous avons besoin d'une gouvernance réactive et responsable qui produise des résultats équitables, y compris pour les générations futures. Nous devons créer des systèmes de gouvernance capables de s'adapter aux besoins, aux attentes, aux droits et aux capacités en constante évolution de tous les acteurs et des institutions qui composent nos sociétés. Une telle adaptation nécessitera un dialogue délibératif et l’engagement d’une multiplicité d'acteurs (entreprises, société civile, politiciens, communautés, syndicats) et de coalitions politiques à tous les niveaux. Le PNUD dispose de dizaines d'années d'expérience dans la facilitation du dialogue politique dans le cadre de processus à intervenants multiples pour aborder des questions complexes et systémiques. Il n'y a aucune raison que nos valeurs sociétales ne puissent pas changer pour nous permettre d'étendre nos libertés tout en vivant en équilibre avec la planète.

Les gens commencent à participer à la gouvernance de leur société et du monde entier comme jamais au cours des dernières décennies. Nous constatons un désir ardent de transformer la politique, de redéfinir une vision et un objectif. Les gens s'emparent des espaces en ligne pour le débat et le dialogue qui sont au cœur du fonctionnement des sociétés et construisent de nouvelles communautés d'appartenance. Mais nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'agir comme médiateur et de modérer ce débat pour le bien collectif, de nous prémunir efficacement contre ceux qui souhaitent manipuler et déformer, et de comprendre les risques de tenir nos débats de société sur des plateformes privées. Le travail du PNUD pour répondre à la pollution de l'information sur la COVID-19 est une contribution importante à cet égard, mais il reste beaucoup à faire pour soutenir les sociétés informées et engagées qui apporteront le changement.

Avec nos cadres institutionnels actuels, nous n'atteindrons pas nos aspirations collectives en matière de durabilité, ne réaliserons pas le développement humain (et ne tendrons pas à concrétiser les ODD et les accords multilatéraux sur l'environnement). Nous devons dépasser les approches centrées sur l'État pour passer à une gouvernance à plusieurs niveaux et à plusieurs parties prenantes, facilitée par l'ère numérique que nous connaissons. La réponse de COVID a mis en évidence notre besoin de systèmes de gouvernance à plusieurs niveaux qui permettent des modes de travail beaucoup plus interconnectés, en reconnaissant que les frontières entre « local », « national », « régional » et « mondial » sont toutes beaucoup plus fluides qu'elles ne l'étaient et comprennent une multitude d'acteurs dont les intérêts, les attentes et les capacités diffèrent. Le travail du PNUD avec des plateformes d'innovation sociale en Asie-Pacifique fournit des orientations importantes sur lesquelles capitaliser. Le rôle de la gouvernance infranationale et des gouvernements locaux est de plus en plus important, car ce sont leurs décisions et leurs actions qui ont un impact direct sur la vie des gens. Le local et le mondial ne sont pas séparés : ils doivent être abordés séparément, mais ils ont également besoin d'une intermédiation, et nous voyons notamment les municipalités s'intégrer dans les structures de gouvernance mondiale.

Alors que nous cherchons à nous remettre de la crise de COVID, nous devons reconnaître que les communautés, dont beaucoup dépendent directement de la nature, font partie de la solution pour passer à des modèles économiques plus durables. Toutefois, sans systèmes de gouvernance internationale soutenant les types de partenariats nécessaires, nous ne parviendrons pas à atteindre des objectifs communs qui ne laissent personne de côté. Comme nous l'avons entendu haut et fort lors du lancement du RDH cette semaine, « c'est maintenant ou jamais ».  Il est temps pour nous de repenser la gouvernance afin de redéfinir la relation entre les peuples et la planète.